janvier 2025 : colloque Jung à Fréquence Protestante


Le 25 janvier 2025, a eu lieu un colloque réunissant 250 personnes, psychothérapeutes et rêveurs « jungiens » pour un week-end de travail fait de conférences et d’ateliers avec, entre autres, des personnalités bien connues des « Cahiers jungiens de psychanalyse ».

 

Loin du rationalisme français dont Jung a souffert (voir son affaire des pingouins), et dont les universités actuelles souffrent encore, Jung est une pensée de la marginalité que le monde du rêve nous incite à prendre. 

 

Ce qui est un enseignement pour nous de la part de Jung, c’est une pensée plurielle, la diversité des propositions toujours au croisement de la philosophie, de l’alchimie, de l’orient-occident, de la gnose et théologie, de la psychiatrie, de la créativité de l’art, des rêves, des symboles etc. C’est même à un engagement « hors cabinet » auquel nous sommes appelés.

 

Évidemment, tout ce que j’écris ci-dessous – en jungien honnête – est un ressenti. J’ai retenu certaines phrases qui résonnèrent profondément en moi.

 

On a abordé les séances de travail : la séance n’est pas dans l’inégalité des statuts, mais dans mon propre appareil psychique face à l’appareil psychique de l’autre. Transfert et contre-transfert, non pas domination qui voudrait surtout dire que l’analyste est dominé par son unilatéralité. En fait, il vaut mieux rester désorienté pour une certaine ambiance poétique. Je rappelle que poésie (le poïen grec) veut dire création : le processus de création de soi-même avec ce qu’en dit Jung : « Souviens-toi de ton futur ». C’est ce qui a fait la sérénité de ce week-end où tout était considéré de belle façon, du moment que ce n’était jamais l’unique façon.  

 

Cela se voit dans une thérapie quand un frisson intérieur parcoure tout autant l’analyste que l’analysant car à ce moment, le corps manifeste quelque chose qui vient de l’âme.

 

Après ce moment animé par un membre de la Société Française de Psychologie Analytique (SFPA), je suis allé dans un atelier sur l’inceste, l’œdipien/contre-œdipien et l’anorexie. Étudiant avec Ève Pilyser l’envers du complexe d’Œdipe, du même ordre mais parental. Nous l’avons découvert avec les contes de fées français.

 

Et puis l’éditeur Bertrand Eveno a parcouru pour nous le Livre Rouge Liber novus de Jung, jaillissement de l’Inconscient autonome et de sa confrontation au moi de Jung qui le mit en forme. C’est un document d’imagination active. L’orateur a fait l’exégèse de certains mandalas qui furent pour moi une grade découverte au-delà de l’esthétisant..

 

Puis je suis sorti participer à un atelier sur le livre de Job dont la remarquable traduction aux éditions de la Fontaine de Pierre (voir mon article à ce propos dans le blog), livre une théologie générale concernant les images de dieu, sans contester l’hypothèse d’un Être métaphysique. La seule chose dont nous sommes sûrs à l’issue de ce combat entre Job et Yahvé, c’est que Yahvé doit s’individuer ! Derrière cette transformation nécessaire de Yahvé, on peut se demander : Dieu est-il une part de l’Inconscient ? Dieu est-il l’Inconscient ? Dieu est-il Inconscient ?

 

Puis vint un moment d’interprétation concrètes de rêves, un « rêve initial » et un « rêve final ». Trois membres de la SFPA ont communiqué une immense joie à tout l’auditoire pour y constater les qualités communes que nous avions tous concernant de nombreux points :

 

 - Nous avons eu droit à des interprétations de rêves dont manifestement d’autres hypothèses sont possibles car les niveaux peuvent se surajouter.

- Les rêves se travaillent (c’est le titre de mon blog), cela veut dire qu’ils se travaillent avec le rêveur dans une polysémie de la figure d’un rêve : ‘ceci’ ne veut pas dire ‘cela’. Le rêve cherche à sortir de l’unilatéralité de la conscience.

- Le rêve ne cache rien, c’est à nous de s’approcher. « Soyons naïfs avec les rêves » écrit Jung justement pour laisser l’espace à ce rêve.

- Un rêve ne nous oblige pas forcément à dénouer les complexes et à rentrer dans ce qui ne va pas. Quelquefois il veut faire autrement et il veut proposer une bonne image, un retour à la source, une arme pour une mise en marche.

- Certes rien de ce que fait l’homme n’est bon : il en résulte une ombre. L’ombre est l’envers de ce que nous connaissons de nous : donc elle peut être l’aspect positif quand nous n’en connaissons qu’un aspect négatif.

 

Mais tout ça, vous pouvez l’écouter de vous-mêmes : je vous conseille d’écrire sur votre navigateur « Fréquence protestante Jung » et vous aurez les meilleurs écrivains de la société psychanalytique jungienne à écouter en podcast.

 

L’organisation a choisi ensuite de mettre en valeur (avec Véronique liard) les arbres et la forêt comme tissu de relation par les rhizomes, l’activité la plus frémissante de la nature, son grandissement à partir d’une graine en terre etc. Tout ça est une image du processus d’individuation. L’arbre est moi, la forêt est mon lieu de vie, c’est mon expérience vitale.

 

Puis, Françoise Bonardel (une bonne connaissance que j’ai invitée ensuite à un des colloques que j’organise) : l’animal. Quelle fraternité[1] avons-nous avec lui ? Ce que nous avons de commun est que l’instinct est la force qui pousse l’homme et l’animal à agir de manière adéquate et pourtant sans réfléchir. S’en est suivi plein de symbolique sur le serpent, le scarabée, les poissons etc.

 

Puis celui qui tient le site https://www.cgjung.net/ a parlé de l’archétype du puer aeternus et du senex. Jung écrit : le « Puer aeternus consiste à ne pas vouloir payer son dû à la vie, » qui ne veut donc pas se transformer en adulte, suivre le cours de la vie. Ce sont les actuels personnels politiques infantiles qui parlent de peuples méchants et gentils. Encore à un stade oral, ils veulent sucer la terre-mère. L’un de ces politiciens a un rêve de gosses pour aller sur Mars comme le Petit prince. Il portait même un enfant sur ses épaules dans un bureau présidentiel comme pour nous dire : « Voyez qui parle en moi ». Les senex qui nous dirigent sont des puers. C’est l’inverse de l’enfant divin bien sûr. Pourquoi les laissons-nous advenir ?

 

L’orateur a abordé l’Intelligence artificielle qu’il utilise tout le temps. Il mit en mots pour nous la place que nous devons lui donner. Intelligence en américain veut dire renseignement, pas plus. Cette machine n’a pas de conscience, ni fonction sentiment, ni fonction intuition. On est loin de l’imagination active où il faut plutôt baisser la lumière (cf. la petite pièce de M-L von Franz à Bolligen etc.)

 

On a été enfin très impressionné par Lise Barnéoud et son micro-chimérisme qui est le fait d’avoir des cellules d’un autre sang, soit par jumeau évanescent[2] soit par des descendances de cellules de la famille, se surajoutant à l’alcool, la pollution etc. Bref, un enfant ne vient pas que de la cellule-œuf. Je est donc un « nous ». Ça fait imaginer une reliance. Mais pour que cela ne tombe dans la fusion mortifère, il faut s’individuer pour mieux nous relier. Jung : « j’ai trouvé l’autorité en moi pour se relier à l’intérieur plutôt que d’être happé par l’extérieur.... Au sein de la masse, les éléments asociaux sont les plus vitaux » ajoute-t-il. Face à 2025, chercher le sacré, donc le lien ciel-terre, voici qui me semble le plus a-social et qui rejoint l’hexagramme 11 du Yi-king.

 

J’ai déjà écrit tout cela alors qu’il y avait aussi un atelier sur le jeu de sable, sur les mouvements dans le noir, les fonctions dans la musique, le tarot, l’enluminure avec le célèbre Jean-Luc Leguay, le yiking, la mandala, le pouvoir dans les relations d’aide.

 

Ces deux jours montrèrent l’honnêteté jungienne, le partage sans retenue et orgueil du savoir, d’où l’excellente ambiance.

                                           

                                                              Gaël de Kerret



[1] Mot de Jung

[2] Décès d’un embryon pendant la grossesse